Évaluation

La communication orale au quotidien en immersion française


Pratiques exemplaires

  1. Stratégies favorables à un apprentissage durable
  2. Prêter attention, prendre conscience et mettre en pratique
  3. Stratégies pour travailler la langue orale au quotidien

1. Stratégies favorables à un apprentissage durable

Il est important de s’approprier les cinq grandes stratégies suivantes qui forment une dynamique favorable à l’apprentissage durable, soit :

  • préciser les intentions d’apprentissage et les critères de réussite, c’est-à-dire que l’enseignant, en collaboration avec ses élèves, décide d’un plan d’action afin d’améliorer la qualité de la communication orale au quotidien;
  • organiser, toujours de concert avec les élèves, des activités d’apprentissage et une démarche efficace qui favoriseront l’acquisition durable de modes d’expression corrects;
  • fournir de la rétroaction qui fait progresser les apprenants en permettant à l’enseignant et aux élèves de réguler (évaluer et ajuster selon les besoins) la démarche;
  • amener les apprenants à s’approprier leur apprentissage et voir à ce que les élèves soient en mesure de s’autoréguler : évaluer leur façon de communiquer facilement et correctement au quotidien et, si nécessaire, l’ajuster;
  • amener les élèves à s’entraider en étant des personnes-ressources les uns pour les autres et voir à ce que les élèves se prennent en charge et soient en mesure de se donner de la rétroaction de sorte que les modes d’expression corrects deviennent la norme.

Réflexion sur les apprentissages essentielsCes cinq stratégies représentent la toile de fond du DVD Apprendre à évaluer pour apprendre. Ce DVD fait partie du document d'appui Réflexion sur les apprentissages essentiels disponible à :

Éducation et Apprentissage de la petite enfance Manitoba
Bureau de l’éducation française
Apprentissage scolaire et évaluation
1181, avenue Portage, salle 509
Winnipeg (Manitoba)   R3G 0T3
Canada

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2. Prêter attention, prendre conscience et mettre en pratique

L’interlangue est la langue de l’apprenant, celle en voie d’acquisition. L’élève l’utilise pour se faire comprendre. À ce sujet, il est utile de relever les propos de Claude Germain (1993 : 61).

L’interlangue se définit comme une […] langue transitoire, qui posséderait à la fois des caractéristiques de la langue première (L1) et des caractéristiques de la langue seconde (L2) […] Apprendre une L2 consisterait en une construction graduelle d’une série d’interlangues, dont les règles se rapprocheraient continuellement des règles de la langue cible. Dans cette perspective, les erreurs ne sont plus vues comme une source d’inhibition, mais comme la manifestation de stratégies d’apprentissage. […] Toutefois, lorsque les erreurs persistent, il y a « fossilisation » des erreurs. […] Les progrès se bloquent sur un « plateau ».

Dans son ouvrage Learning and Teaching Languages through Content: A Counterbalanced Approach, Roy Lyster attire notre attention au fait qu’une fois que les apprenants ont maîtrisé un niveau de compétence linguistique qui répond à leur besoin de communication en classe, plusieurs d’entre eux se contentent de communiquer le sens de leur message, mais pas nécessairement avec une précision linguistique. Ce phénomène limite et freine en quelque sorte le développement futur de leurs habiletés linguistiques. Alors, les enseignants doivent intervenir pour que les apprentissages des élèves aillent au-delà de ce « plateau ». Lyster (2007 : 59) propose trois composantes d’une intervention prometteuse. Il s’agit de : prêter attention, prendre conscience et mettre en pratique.

  • D’abord, il s’agit d’amener les élèves à prêter attention, c’est-à-dire privilégier des activités qui attirent l’attention des élèves sur certains éléments problématiques de la langue cible. Ces activités servent à déclencher un travail plus approfondi sur la forme, par exemple :
    • travailler l’imparfait et le passé composé en lisant une légende et en demandant aux élèves de repérer les verbes au passé et d’inférer leur fonction;
    • comparer des images d’actions complétées et d’actions incomplètes, p. ex., Le pilote ouvrait son parachute. Le pilote a ouvert son parachute.
    • demander aux élèves d’illustrer leur propres phrases démontrant des actions complétées et des actions en train de se compléter;
    • attirer l’attention des élèves sur leur tendance à utiliser un verbe passe-partout avec préposition, p. ex., il va en bas de la colline, au lieu d’un verbe d’action précis, p. ex., il descend la colline.

Cependant, prêter attention est insuffisant sans la prise de conscience.

  • La prise de conscience exige la réflexion sur la forme; les élèves sont amenés à faire un certain travail d’analyse, par exemple :
    • effectuer des tâches où ils doivent découvrir la règle de langue;
    • faire des activités de comparaison entre les langues. Ces activités menées par les enseignants peuvent servir à établir des points de repères pour supprimer des fautes persistantes.

La prise de conscience des éléments de langue amène à une mise en pratique. La raison d’être de la mise en pratique est de s’améliorer, de devenir meilleur. Il faut du temps pour intérioriser les éléments linguistiques d’une langue. Les élèves ont besoin de rétroaction et de beaucoup de pratique pour appliquer leurs connaissances dans des situations aussi authentiques que possible. Cela amène les apprenants à revoir, à restructurer et à ajuster leur interlangue. Sans rétroaction, l’interlangue de l’apprenant évolue peu, devient automatique, et s’installe dans la mémoire à long terme (lieu des erreurs fossilisées).

  • Roy Lyster (2007) fait valoir deux types de pratique qui appellent à la fois l’apprentissage et l’utilisation de la langue.

  • Pratique guidée
    La pratique guidée est axée sur un ou des éléments précis de la langue, selon les besoins des apprenants, par exemple l’utilisation des prépositions. Les activités qui s’ensuivent doivent amener les apprenants à devenir plus conscients du fonctionnement de la langue. Cette pratique est utile pour contourner la forte tendance des apprenants à se fier trop facilement à des stratégies de communication paralinguistiques (gestes, etc.) qui repoussent, évitent, ou retardent tout changement ou toute évolution de leur interlangue. Des jeux langagiers, des jeux de rôles, des devinettes sont des exemples d’activités effectuées au cours de la pratique guidée.

    Pratique par expérience communicative
    La pratique par expérience communicative n’est pas axée sur un élément particulier de la langue, mais elle est conçue pour inciter les apprenants à utiliser la langue pour interagir et communiquer dans un contexte particulier, devenant ainsi des utilisateurs de la langue. Cette pratique incite les apprenants utilisateurs à s’engager dans des tâches signifiantes. Elle favorise la confiance en soi, le désir d’utiliser la langue cible et le transfert des habiletés. Cette pratique n’engage pas les apprenants-utilisateurs à prêter attention à la langue de la même façon qu’au cours de la pratique guidée. Ainsi, le potentiel de changement à l’interlangue est réduit. Les matières scolaires représentent de multiples possibilités de projets interactifs susceptibles d’intéresser les apprenants-utilisateurs à communiquer dans la langue cible.

Selon Roy Lyster, un bon apprentissage de la langue se fait par une approche du contrepoids où les deux types de pratique sont nécessaires :

  • la pratique guidée, un travail approfondi et itératif favorisant l’automaticité;
  • la pratique par expérience communicative, pratique propre à favoriser le transfert des habiletés.
Pourquoi l’approche du contrepoids?

Cette approche est utile pour effectuer une évolution de l’interlangue parce qu’elle favorise des pratiques pédagogiques qui amènent les apprenants dans une direction opposée à celle dont ils ont l’habitude dans leur environnement langagier quotidien. Par exemple, s’ils se concentrent surtout à faire passer leur message en négligeant la forme, l’approche les encourage à prêter attention à la forme et à faire un va-et-vient entre le sens et la forme. Les efforts fournis pour mettre en œuvre cette dynamique récursive sont susceptibles de renforcer les connexions dans la mémoire de l’apprenant et de faciliter l’accès à ces nouvelles formes correctes analysées ou réanalysées au moment d’une communication authentique. Il s’avère que l’effort requis pour se concentrer sur la forme dans un contexte signifiant va faire en sorte que des traces seront gravées et gardées en mémoire, pour avoir des effets positifs à long terme sur l’interlangue (Lyster 2007 : 4). On peut donc parler d’apprentissage durable.

Éducation Manitoba a préparé trois tableaux d’orientation pour aider le personnel enseignant de toutes les matières scolaires à développer chez l’élève l’habileté à parler français facilement et correctement dans une approche communicative.

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3. Stratégies pour travailler la langue orale au quotidien

La négociation du sens (Lyster 1994) dans la communication met l’accent sur les stratégies pour faire comprendre le message sans nécessairement se préoccuper de la forme de la langue. En immersion, on arrive vite à se comprendre mutuellement; l’interlangue est commune. Ainsi l’interaction en soi ne va pas nécessairement améliorer la forme de la langue. Alors, il faut aller au-delà de la négociation du sens pour s’intéresser à la précision de la langue. Voici quelques stratégies pour travailler davantage la forme de la communication orale au quotidien.

  • La reformulation

    La reformulation est le fait de redire correctement ce que l’élève vient de dire. En tant que technique, elle est utilisée à différentes fins. Les enseignants s’en servent pour intéresser les élèves au contenu, pour confirmer la véracité de la réponse de l’élève ou pour ajouter de l’information. Ils fournissent souvent aux élèves des synonymes afin d’enrichir leur vocabulaire.

    La reformulation a du potentiel, mais il y a une mise en garde à faire :
    • Pour les jeunes élèves, il est peu probable qu’ils se rendront compte qu’une reformulation de ce qu’ils viennent de dire est une preuve qu’ils ont fait une erreur. La différence entre ce que l’élève a dit et la reformulation de l’enseignant peut être imperceptible pour l’élève ou la reformulation peut être perçue comme étant une autre façon acceptable de s’exprimer.

    Le potentiel correctif de la reformulation est compromis quand l’enseignant réagit positivement au contenu, peu importe s’il y a erreur dans le discours. C’est un défi dans les classes d’immersion car celles-ci sont axées sur la communication. Il est problématique que la reformulation n’indique pas nécessairement où est l’erreur dans le discours. Une démarche plus efficace est de répéter l’erreur de l’élève avant de reformuler l’énoncé pour lui faire voir le décalage entre ce qu’il a dit et la façon correcte de le dire.

  • La rétroaction efficace

    La rétroaction est le fait d’informer l’apprenant sur ce qu’il a fait. Les études démontrent que la rétroaction efficace, celle qui mène à une correction par les pairs ou à une autocorrection :
    • attire l’attention des élèves sur leurs erreurs;
    • est accompagnée d’indices explicites de nature paralinguistique.

Quelques moyens de donner de la rétroaction

  • Déduction
    par le questionnement, p. ex., « Comment ça s’appelle, comment dit-on cela en français? » Ce genre de questions exige plus qu’un oui ou non comme réponse. L’enseignant peut soit :
    • redire l’énoncé et demander à l’élève de le modifier;
    • poser des questions pour lui faire dire le mot recherché;
    • demander à l’élève de reformuler son énoncé.
  • Indices métalinguistiques
    p. ex., « Ça ne se dit pas en français. » « C'est masculin? » Ce genre de questions ou de commentaires repose sur un élément relatif au fonctionnement de la langue en lien avec ce que l’élève vient de dire sans lui fournir la forme correcte.
  • Éclaircissement
    p. ex., « Pardon, je ne comprends pas. »
  • Répétition
    Répéter l’énoncé erroné en mettant l’accent sur l’erreur même; le but étant d’attirer l’attention de l’élève sur son erreur.

La négociation de la forme

La négociation de la forme (Lyster 1994) exige de prêter attention à la forme pendant les interactions en classe et ailleurs. L’enseignant fournit de la rétroaction à l’élève afin de négocier la forme avec lui. À bien y penser, le moment le plus propice de s’attarder à la forme de la langue, c’est lorsque les apprenants ont quelque chose à dire. L’élève doit penser et réagir à la rétroaction de l’enseignant. Cette négociation a lieu parce que l’enseignant n’a pas fourni sur le vif la forme correcte mais a plutôt fourni des indices à l’élève sur comment reformuler lui-même son énoncé. La négociation de la forme motive l’apprenant à se rendre compte de ses erreurs et à modifier son énoncé. Souvent l’élève connaît déjà le mot plus précis recherché, la forme correcte. Il suffit de mettre en place des moyens pour activer ses connaissances.

La négociation de la forme redonne à l’élève la parole, avec des indices qui va l’amener à puiser dans ses connaissances. Par conséquent, on tient compte du sens et de la forme. En revanche, il n’y a rien à négocier lorsque l’enseignant fournit sur le coup la réponse ou la formulation correcte.

Vu qu’en immersion, la langue seconde est la langue d’enseignement de plusieurs matières, cette situation offre aux élèves un contexte de communication riche pour utiliser la langue de façon authentique, car les élèves posent des questions, expriment leurs opinions, fournissent des réponses, etc. Sans doute, le niveau de compréhension des élèves est assez élevé, dans certains cas très élevé. Le défi se situe au niveau de la précision de la langue en situation de communication.

La fonction didactique de la négociation de la forme est de fournir de la rétroaction qui encourage l’autocorrection en ce qui a trait à l’expression juste et précise de ses idées, au-delà de l’expression simplement compréhensible. La recherche démontre qu’il y a plus de chance que l’élève s’autocorrige si l’enseignant isole une erreur et la rend manifeste ou s’il questionne l’élève sur une erreur particulière. Une autocorrection ou une correction générée par les pairs indique un certain engagement de la part des élèves dans leur apprentissage de la langue.

Roy Lyster (2007 : 111) maintient que la recherche n’appuie pas la position de Krashen (1994 : cité dans Lyster 2007) selon laquelle la rétroaction orale donnée en lien avec la précision est source d’anxiété chez les apprenants et cause une rupture dans la communication. Lyster conteste également la déclaration de Long (2007 : cité dans Lyster 2007) selon laquelle donner des indices langagiers ralentit les cours tels les mathématiques, les sciences, etc. Au contraire, l’attention prêtée à la précision de la langue est compatible et pertinente au contenu en question. En fait, ce genre d’interaction entre enseignant et apprenants permet un échafaudage collectif par rapport à la langue dans le contexte des matières scolaires; aussi, cette attention prêtée à la forme permet aux apprenants d’améliorer et de préciser davantage leur vocabulaire, d’éprouver leurs hypothèses de manière créative.

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